Origine / Augusto Boal

L'invention du Théâtre forum : par Augusto Boal

Augusto Boal

Né en 1931 au Brésil, commence par faire des études de chimie qui le mèneront jusqu'au doctorat et conduit parallèlement ses activités théâtrales.

Il fonde en 1956 le Théâtre Arena de Sao Paulo, dont il devient directeur artistique et metteur en scène. Il y développe jusqu'en 1964, à côté de mises en scène classiques, un théâtre populaire, de rue et contestataire dans lequel il développe le personnage du

"spect-acteur".

Les coups d'état successifs de 1964, puis de 1968 mettent fin à toute possibilité de pratiquer cette sorte de théâtre social, considéré comme une pratique subversive.

Boal, qui publie "Le théâtre de l'opprimé" en 1971, est bientôt arrêté, torturé et contraint à l'exil vers Paris, où il poursuivra son travail. Pendant les années 70, Augusto Boal voyage dans toute l'Amérique latine, expérimente diverses formes de théâtre participatif et éducatif, il écrit et systématise sa pratique théâtrale. Il organisera le premier festival international du Théâtre de l'opprimé à Paris en 1981.

Après la fin de la junte militaire au Brésil, Boal revient à Rio de Janeiro en 1986, où il habite encore. Il y établit un important Centre du Théâtre de l'opprimé et plusieurs compagnies qui mettent en pratique le théâtre forum et le théâtre image.

Dès 1981, il se penche sur le théâtre thérapeutique et ce qu'il nomme le flic dans la tête. Son troisième livre L'arc en ciel du désir est un essai sur cette méthode de théâtre et thérapie.

En 1992, il est élu député à Rio Janeiro sur la liste de gauche de Lula (Parti des Travailleurs du Brésil) et entame une nouvelle expérience : celle du théâtre législatif.

Le théâtre forum

est une technique mise au point dans les années 60 par l'homme de théâtre brésilien Augusto Boal, dans les favelas de São Paulo.

Le principe en est que les comédiens improvisent puis fixent une fable de 15 à 20 minutes sur des thèmes illustrant des situations d'oppression ou des sujets problématiques de la réalité sociale, économique, sanitaire d'une communauté.

Ils vont ensuite la jouer sur les lieux de vie de la communauté à qui est destiné le message.

À la fin de la scène, - dont la conclusion est en général catastrophique - le meneur de jeu propose de rejouer le tout et convie les membres du public à intervenir à des moments clé où il pense pouvoir dire ou faire quelque chose qui infléchirait le cours des événements.

Il s'agit d'une technique de théâtre participative qui vise à la conscientisation et à l'information des populations opprimées d'une façon ou d'une autre.

Le théâtre forum s'utilise ainsi beaucoup auprès des populations non alphabétisées dans les projets de développement en pays du Sud (par exemple en Inde, au Rajasthan), mais est aussi en usage dans les pays développés pour soulever des problèmes de société.

(Internet Source: Wikipedia)

Texte d'Augusto Boal

Ce texte fut parmi ses derniers écrits...

« Toutes les sociétés humaines sont spectaculaires dans leur quotidien et produisent des spectacles pour des occasions spéciales. Elles sont spectaculaires en tant que mode d’organisation sociale, et produisent des spectacles comme celui que vous êtes venus voir.

Même si nous n’en avons pas conscience, les relations humaines sont structurées de façon théâtrale : l’utilisation de l’espace, le langage du corps, le choix des mots et la modulation de la voix, la confrontation des idées et des passions, tout ce que nous faisons sur les planches, nous le faisons dans notre vie : nous sommes le Théâtre !

Non seulement les noces et les funérailles sont des spectacles, mais le sont aussi les rituels quotidiens si familiers qu’ils n’affleurent pas à notre conscience. Non seulement les grandes pompes, mais aussi le café du matin et les bonjours échangés, les amours timides et les grands conflits passionnels, une séance du sénat ou une réunion diplomatique- tout est théâtre.

L’une des principales fonctions de notre art est de porter à notre conscience les spectacles de la vie quotidienne dont les acteurs sont également les spectateurs, dont la scène et le parterre se confondent. Nous sommes tous des artistes : en faisant du théâtre, nous apprenons à voir ce qui nous saute aux yeux, mais que nous sommes incapables de voir tant nous sommes peu habitués à regarder. Ce qui nous est familier nous devient invisible : faire du théâtre, c’est éclairer la scène de notre vie de tous les jours.

Au mois de septembre dernier, nous avons été surpris par une révélation théâtrale : nous qui pensions vivre dans un monde sûr, malgré les guerres, les génocides, les hécatombes et les tortures qui, certes, se déroulaient mais loin de nous dans des contrées lointaines et sauvages, nous qui vivions en sécurité avec notre argent placé dans une banque respectable ou dans les mains d’un honnête courtier en bourse, on nous a dit que cet argent n’existait pas, qu’il était virtuel, fiction de mauvais goût de quelques économistes qui eux n’étaient pas fictifs, ni sûrs, ni respectables.

Tout cela n’était que du mauvais théâtre, une sombre intrigue dans laquelle quelques-uns gagnaient beaucoup et où beaucoup perdaient tout. Des politiciens des pays riches ont tenu des réunions secrètes d’où ils sont sortis avec des solutions magiques. Nous, victimes de leurs décisions, nous sommes restés spectateurs assis au dernier rang du balcon.

Il y a vingt ans, je montais Phèdre de Racine à Rio de Janeiro. Les décors étaient pauvres : des peaux de vache au sol, des bambous autour. Avant chaque représentation, je disais à mes acteurs : « la fiction que nous avons créée au jour le jour est finie. Quand vous aurez franchi ces bambous, aucun de vous n’aura le droit de mentir. Le Théâtre, c’est la Vérité Cachée ».

Quand nous regardons au-delà des apparences, nous voyons des oppresseurs et des opprimés, dans toutes les sociétés, les ethnies, les sexes, les classes et les castes ; nous voyons un monde injuste et cruel. Nous devons inventer un autre monde parce que nous savons qu’un autre monde est possible. Mais il nous appartient de le construire de nos mains en entrant en scène, sur les planches et dans notre vie.

Venez assister au spectacle qui va commencer; de retour chez vous, avec vos amis, jouez vos propres pièces et voyez ce que vous n’avez jamais pu voir : ce qui saute aux yeux. Le théâtre n’est pas seulement un événement, c’est un mode de vie !

Nous sommes tous des acteurs : "être citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer. "

Augusto BOAL